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Resident Evil et la source du jeu d'horreur

Publié : 15 oct. 2014, 10:37
par Hunk
Si vous avez quelques bonnes minutes à accorder au journal "Le Monde" aujourd'hui, allez lire ce très bel article de William Audureau suite à son interview de Shinji Mikami, à l'occasion de la sortie du titre The Evil Within. Mikami y avoue pour la première fois l'influence qu'a eu Alone In The Dark sur la réalisation de Resident Evil et que sans lui, le titre de Capcom serait probablement devenu un FPS.

Source : LeMonde.fr

Interview de Kenichi Iwao, scénariste du premier Resident Evil

Publié : 03 févr. 2016, 17:31
par Sly
Le site Gaming.Moe a eu la chance d'obtenir un entretien avec Kenichi Iwao, un des architectes du tout premier Biohazard, responsable du scénario du jeu. Moins connu que le surexposé Shinji Mikami, son rôle fut toutefois tout aussi primordial lors du développement dudit jeu. Cette passionnante interview, qui retrace toute la carrière du monsieur, est disponible ici.

Biohazard France traduit aujourd'hui pour vous la partie qui nous concerne directement :
GM : Votre travail le plus célèbre est probablement l'écriture du scénario du premier Biohazard. Pouvez-vous nous dire comment vous avez été associé à ce projet ?

KI : J'ai rejoint le projet au milieu de son développement. À l'origine, il n'y avait pas d'humains dans le jeu, que des cyborgs ! C'était pourtant censé être un jeu d'horreur, mais avec ces personnages dignes de Terminator, le jeu n'était pas effrayant du tout. J'ai décidé de changer les personnages. Le script initial présentait une sorte de savant fou qui faisait des expériences étranges. J'ai fini par recréer les personnages qui allaient avoir un rôle décisif dans l'intrigue, comme Chris, Jill et Wesker, et j'ai aussi créé Umbrella et son statut d'antagoniste, ainsi que des concepts comme le virus-T. J'ai également écrit tous les journaux et documents que vous trouvez dans le jeu.

GM : Oh, alors c'est vous qui avez écrit "Itchy. Tasty." *rires* [En VF : Ça gratte. Délicieux. NDT]

KI : Oui ! J'ai aussi fait des recherches supplémentaires, par exemple pour savoir combien de balles les armes pouvaient contenir, les différents types de fusils à pompe...

GM : Donc le fait d'avoir des munitions très limitées, c'était votre idée ?

KI : Ah, et bien, je n'en ai pas parlé avant, mais il y a ce jeu, Alcazar : The Forgotten Fortress, sur MSX, qui m'a inspiré. Il y a beaucoup de châteaux dans ce jeu, mais les donjons qu'on y explore sont aléatoires. Du coup, la quantité de ressources dans ces donjons était très limitée.
Les graphismes d'Alcazar n'étaient pas terribles, mais je trouve que l'IA des ennemis était particulièrement bonne pour l'époque. Les ennemis avaient différentes manières d'attaquer, il fallait agir avec stratégie, par exemple en regroupant les ennemis pour les contourner. Au départ, je voulais que Biohazard ait plus d'éléments similaires à ce jeu, comme l'utilisation de mines ou de pièges sur les zombies, mais cela n'a pas pu se faire, par manque de temps. Cependant, je pense que la technologie nous l'aurait permis.

GM : Je ne connais pas ce jeu ! C'est très intéressant. Alcazar avait-il aussi des ennemis qui pouvaient vous surprendre ?

KI : En effet. Il y avait par exemple des tigres et des slimes, mais pas de zombies.

GM : Des jeux comme Clock Tower et Sweet Home vous ont-ils inspiré eux aussi ?

KI : Hmmm, pas vraiment. Nous ne jouions pas à Clock Tower quand nous développions Biohazard. Ces jeux sont relativement similaires, mais n'ont pas eu une grande influence sur le développement.

GM : Qu'en est-il des autres médias ? Avez-vous été inspiré par des films, livres, dessins animés ?

KI : J'ai beaucoup été influencé par les livres "Fighting Fantasy" (1) écrits par Ian Livingstone et Steve Jackson. La conception de l'horreur à la britannique m'a fortement impressionné. Je voulais en quelque sorte incorporer l'esprit des ces livres dans Biohazard. Il y a une cinématique dans le jeu, dans laquelle Barry parle à Wesker derrière une porte, et Jill le surprend. J'ai pris cette idée dans un de ces livres.

GM : Dans le premier Biohazard, certaines décisions curieuses ont été prises, comme par exemple le choix d'une intro avec de vrais acteurs, et un doublage intégralement en anglais. Avez-vous joué un rôle dans ces décisions ?

KI : Nous n'avions ni le temps ni le budget pour réaliser une intro en images de synthèse, malheureusement. Tous les enregistrements avec les acteurs étaient supervisés par Mikami. Moi, j'écrivais l'histoire et la manière dont les scènes se déroulaient, tandis que lui les réalisait. Je ne sais pas d'où viennent les acteurs utilisés pour l'intro et les doublages, mais je n'aime pas le fait que ces acteurs en particulier aient été engagés.

GM : Est-ce que quelqu'un les aimait, à part de façon ironique ?

KI : Beaucoup de membres de l'équipe étaient déçus et embarrassés par le résultat final. De plus, dans la version japonaise, il y a une chanson japonaise, "Yume de Owarasenai". C'est Fujiwara, le producteur, qui l'a mise dedans, mais tout le reste de l'équipe était contre. Cela n'avait pas de sens de mettre une chanson japonaise dans un jeu à l'atmosphère si américaine. (2)
Tiens, j'ai une autre anecdote amusante ! Vous vous souvenez de la plante 42 ? Il y a une image de la plante qu'un chercher du jeu est censé avoir dessinée. En fait, c'est moi qui l'ai dessinée.

GM : D'autres membres de l'équipe ont dit que Capcom ne s'attendait pas à ce que Biohazard soit un succès et ne soutenait pas le projet aussi bien que d'autres titres. Partagiez-vous cette impression ?

KI : Honnêtement, je ne pensais pas qu'il se vendrait non plus ! Quand nous développions le jeu, nous pensions qu'il faisait "cheap", bas de gamme. Je veux dire, nous, nous pensions qu'il était effrayant, mais nous n'étions pas sûrs que les gens penseraient comme nous. Et même si c'était le cas, est-ce que les gens voudraient acheter un jeu effrayant ? Était-ce même un genre viable ?

GM : Quel est votre sentiment à propos de la manière dont Capcom a fait évoluer l'histoire de Biohazard ? Êtes-vous surpris de voir à quel point les fans tiennent encore à ce jour à des personnages comme Chris, Jill et Wesker ?

KI : Je suis surpris de voir à quel point ils sont encore populaires. Je suis très heureux de voir que, 20 ans plus tard, ces personnages sont toujours présents. Bien sûr, il y a des choses que j'aurais aimé faire différemment avec eux, rétrospectivement. Une des choses que je voulais faire avec Chris et Jill, c'était des les faire plus vieux - je trouvais qu'ils étaient trop jeunes dans le jeu final. Mais je vois qu'ils ont vieilli tout au long de la série, donc c'est une bonne chose. J'aurais voulu aussi me concentrer plus sur les familles des personnages.

GM : Par curiosité, la survie de Wesker était-elle prévue ?

KI : Oui, nous avions prévu de le réutiliser par la suite, puisque le virus-T peut ressusciter les morts.
Le but du Tyran était de faire le soldat ultime, même si une poignée de zombies a été créée dans le processus, puisque le taux de réussite était extrêmement faible... un peu comme un tireur d'élite qui cible plusieurs personnes. Ce soldat était censé instiller la peur dans l'esprit des joueurs.

NDT :
(1) Sortis en français sous le nom "Défis Fantastiques" dans la collection "Un Livre Dont Vous Êtes Le Héros". Certains spécialistes des livres-jeu soupçonnaient déjà "House of Hell" ("Le Manoir de l'Enfer" en VF) d'avoir inspiré Resident Evil.
(2) Cela explique peut-être pourquoi cette chanson a été enlevée dans toutes les versions ultérieures, même japonaises.
Merci à notre partenaire Biohaze.